Maléfices, TRoisième année
La troisième année de Maléfices fut le théâtre d'un changement drastique dans mon écriture. Les personnages et les mondes dans lesquels ils évoluaient n'étaient plus si sombres, ils n'étaient plus si suffocants. Tout simplement parce que ma vie ne l'était plus non plus. Le poids qui pesait sur mon être s'évinçait au travers des jours qui se liaient, pour créer non pas un monde illusoire dans lequel je me projetais, mais qui définissait ma réalité.
Vivre dans le réel. C'était une chose que je ré-apprenais, et par cela les univers qui s'extirpaient de moi devenaient eux aussi plus logiques, plus développés aussi. Imperceptiblement, mes histoires s'allongeaient, mes personnages n'étaient plus terrassés par l'invisible. Ils l'étaient parfois par eux-mêmes. Ils ne l'étaient pas toujours. Parfois, mes personnages découvraient un autre chose, une ouverture dans la faille de leur détresse, et s'ils en avaient le courage, ils regardaient au travers d'elle pour se sortir de ce qu'ils avaient été, pour enfin respirer. Ce n'était pas toujours le cas, et cela ne le fut jamais et ne le sera sans doute jamais. Mais la couleur commençait à revenir sur ces mains, et puisqu'elle était là, ce qu'elles écrivaient se teintaient de ces pigments.
C'est au travers de ces jours que je compris une nouvelle chose: la tristesse n'est pas la seule graine de l'expression. Elle est une terre fertile qui ne laisse pousser que des dimensions semblables à elles-mêmes. Tout comme Abbott et son FlatLand, les mondes ne sont pas simplement des espaces fermés, prisonniers de leurs propres limites. Ce qui les limite n'est rien d'autre que l'expression que l'on en fait. Je découvris qu'il y avait autre chose, qu'il pouvait y avoir autre chose. Et cela s'avançait.