Burkini et autres trucs
Mode connard activé.
Déjà, premièrement, qu'est-ce que ce con croit faire en nous montrant son cul (du moins impliqué-je ceci, même si aucune mention de cet homme ne permet de nous faire croire de source sûre qu'il est bien l'auteur de la présente déclaration)? Il y a un crime en France (et dans la plupart des pays civilisés où la nudité est considérée comme un état de dévoilement (oh j'ai dit voile mais 'chut chut pas de marque' ça va venir, ne vous inquiétez pas, ou plutôt [le chien de Mickey] inquiétez-vous de ma colère) qui s'appelle l'exhibitionnisme et qui, bien qu'il florisse beaucoup autour des écoles primaires, n'en demeure pas moins une affaire d'état (car la nudité est un état, qu'on se le dise). Loin de moi l'idée d'assimiler l'État avec une cour d'école, au moins dans la cour d'école y a des personnes responsables qui surveillent.
Aussi, cons se le disent, l'affaire du burkini est un problème grave, puisque les personnes qui s'acharnent sur cette idée au détriment des autres problèmes bien plus silencieux et contre-démocratiques sont grave des andouilles. Certes (car certes est toujours au pluriel, allez savoir pourquoi), il y a de quoi dire : mon dieu des personnes qui refusent de montrer leur corps! Mon dieu des personnes qui sont habillées autrement que selon les critères de mode des grands mouvements de libération de la femme où on dit que la femme doit assumer son corps et le montrer tant qu'il est correct et qu'elle est bien roulée et qu'elle consomme des coupe-faim et qu'elle est esthétique parce que si elle ne l'est pas qu'elle reste chez elle cette grosse vache elle me gâche mon été.
Mon discours vous choque? Ô, oui, pardon, j'ai écrit 'dieu' deux fois. Non môssieur, je suis athée moi, je ne crois en rien, sauf peut-être dans le bien humain et ce qu'il peut faire quand il cesse d'être un condensé d'instincts et de grognements désarticulés. Il y a de quoi dire mais ce qui est dit (du moins de ce que j'ai entendu) est... attendez je l'ai sur le bout de la langue... ça a à voir (ça fait trois sont [a] à la suite, c'est magiiiique) avec l'école primaire... ah oui, c'est ça, c'est exactement la même chose : on pointe du doigt celui qui est différent des autres parce qu'il est visible et le visible rend tout le reste invisible, alors pour que cet invisible disparaisse on le stigmatise jusqu'à ce qu'il explose de honte et qu'il rejette les autres et les normes et devienne réfractaire à tout critère de socialisation, parce que pourquoi aimer ceux qui ne vous aiment pas quand la seule chose que vous faites c'est être vous? C'est pas ça à la base la liberté d'expression dans un contexte démocratique? L'acceptation que l'autre, c'est autant l'autre que moi, qu'importe si je suis dans la masse ou en dehors de la masse? Peut-être pas, puisque c'est moi qui le dit et que, enfant, j'étais celui qui était montré du doigt parce qu'il agissait autrement. Ça doit être pour ça, je suis différent, donc mon discours ne tient pas; ok, on va dire.
Par contre, tout ça avant, on appelle ça de l'énonciation ventriloque (allez sur ma page FB et cliquez sur le lien qui en parle, c'est plein de bonnes choses), et tout ça, c'est exactement ça le problème dans notre monde, de tous les bords, dans toutes les formes, sous toutes les coutures. C'est aussi, en des mots plus simples, de l'interprétation sans référent, c'est à dire que les gens parlent de quelque chose qu'ils voient ou à quoi ils pensent sans même imaginer que l'origine du discours provient d'un endroit qui ne se trouve pas en eux mais chez les autres. À cause de cela, les gens se foutent sur la gueule depuis des centaines d'années, tout simplement parce qu'ils ne prennent pas le temps de se demander si ce qu'ils pensent des intentions de l'autre est la vérité. Prenons quelques exemples : la tribu des cheveux propres et celle des cheveux sales! S'ils s'étaient parlé, une tragédie aurait pu être évitée; Peter et Steven face au reste des gens qui les pensaient homosexuels, tout ça parce qu'ils étaient habillés avec des pantalons en cuir; la querelle des anciens et des modernes en littérature, car tous deux ne voulaient que l'expression de la beauté; le roi de Qin et les sept régions de Chine, qui voulaient la liberté mais avaient des idées différentes pour y parvenir; tous les partis politiques de la plupart des pays du monde (excluant les dictateurs, qui eux ne parlent à personne parce que les autres c'est le mal), les disputes entre amis, les guerres idéologiques et autres formes d'affrontements, les rejets et colère sur l'humour, sur la culture de l'autre, tout cela commence toujours et avant tout par une incapacité ou un refus de considérer que l'autre existe et a une valeur en soi.
Oh oui, je sais ce que les gens vont dire : le burkini c'est une dégradation de la femme, c'est une atteinte à la liberté démocratique, c'est un affront à la femme! Peut-être, en effet, mais vous qui parlez, êtes-vous de ces personnes qui se sentent opprimées parce que l'on vous force à porter ces vêtements? Hmm... ah non c'est vrai, ces femmes ne parlent pas car elles sont opprimées, donc on parle pour elles, parce qu'elles ne le peuvent pas. Êtes-vous sûr-e-s que ce que vous dites est vrai ou est-ce simplement votre point de vue? Connaissez-vous des femmes qui vivent ce que vous décrivez? Avez-vous une fois parlé avec ces femmes? Ah bah non elles n'ont pas le droit de parler. Vraiment? Changeons le référent : avez-vous déjà parlé à un ou une inconnu-e d'un sujet sensible? Avez-vous déjà même parlé avec une personne d'un sujet sensible sans que cette personne soit de votre avis, ou bien avec quelqu'un qui a la capacité intellectuelle de proposer un point de vue qui ne serait pas le sien ou qui serait motivé par des références intellectuelles et/ou réflexives sur le sujet? Oui, non? Vous avez lu, écouté ou entendu parler de ce sujet, très bien. Mais avez-vous diversifié les sources jusqu'à aller écouter celles et ceux qui s'expriment à l'opposé de vos idées pour connaître leurs points de vue? Maintenant, avez-vous fait tout ça pour un seul sujet? Faire cela permet d'éviter ce que l'on appelle le biais de confirmation, c'est à dire la tendance à privilégier les informations qui corroborent ce que l'on pense plutôt que l'opposé et ça peut être super pratique, et surtout c'est ça qu'il faut faire pour pouvoir parler de quelque chose de manière objective (ouuuuuh, un terme scientifique vilain pas beau). On appelle ça la réflexion et le détachement des affects. Affects? C'est la chose qui fait que vous réagissez violemment et toujours sous forme de rejet ou d'acceptation immédiate. C'est comme le réflexe mais c'est sur des idées plutôt que sur des coups de marteau sur le genou. Ça c'est ce qu'il faut faire. Réfléchir, se poser des questions, ne pas se laisser envahir par la vague de colère ou de joie et se poser des questions pour se demander si ce que l'on pense est bien ce qui est bon ou si ce qui se trouve devant soi plutôt qu'en soi ne serait pas meilleur ou, simplement, différent.
Mais... ce n'est pas facile de faire cela. Ça demande de l'abnégation de soi et de l'acceptation de la différence pour cela.
Parce que, sans vouloir me la péter, j'ai fait quelques recherches, et il se trouve que beaucoup de personnes trouvent l'idée du burkini intéressante; et je ne parle pas des terroristes réunis pour leur école d'été, je parle des femmes de diverses confessions religieuses qui trouvent que la nudité et l'impudicité sont allées trop loin et qu'il serait temps qu'on cesse de confondre exposition du corps avec liberté. La liberté n'est pas de pouvoir se foutre à poil mais de pouvoir dire ce que l'on a sur le cœur et ce que l'on souhaite pour son existence, tout en acceptant que ces idées ne sont que des points de vue dans l'immense paysage impressionniste qui constitue la démocratie. La liberté ce n'est pas de pouvoir montrer ses jambes ou de refuser qu'une femme montre son sein lorsqu'elle allaite son enfant, c'est de se dire : ceci existe, et tant que celles et ceux qui le font ne causent du tort à personne, tant qu'ils ou elles agissent dans l'espace communautaire sans remettre en question explicitement et ouvertement l'attitude de l'autre ni ne défient des normes ou des lois par rejet d'une liberté accordée à l'autre, alors aucun mal n'est fait.
Malheureusement, bon nombre d'humains ne sont pas ou plus assez éduqués pour reconnaître la différence entre ce qui provient d'eux et ce qui provient du dehors. C'est exactement le même problème que lorsque ces abrutis finis en Inde avaient annoncé pour leur défense : « on a violé cette femme parce qu'elle était super aguicheuse », ou lorsqu'aux États-Unis les parents du sportif qui a violé une jeune femme qui avait un peu trop bu ont dit : « il faut sensibiliser les jeunes au danger de l'alcool ». Non, non non non non et je pourrais en mettre des kilomètres de 'non!', ce n'est pas ça le problème! Le problème n'est pas chez l'autre, le problème est chez vous! Le problème ne se trouve pas dans la tenue de l'autre ou dans sa manière de s'amuser ou quoi d'autre encore tant que ces éléments ne sont pas expressément dirigés ou accomplis dans le dénigrement de l'autre, ils sont dans l'action d'oppression et de violence orchestré par vous ou vos connaissances envers des personnes qui vivaient tranquillement et sans volonté de vous torturer en aucune manière. Et même si des cas particuliers existent sans doute, faire d'un cas particulier une généralité s'appelle le réalisme naïf au travers de l'heuristique de la disponibilité, c'est à dire la tendance qu'a un individu à utiliser des exemples disponibles immédiatement pour forger une image de la réalité qui ne coïncide qu'avec une portion infime de cette même réalité et de croire que cette réalité construite est parfaite et l'expression de la réalité vraie. En clair, c'est de dire : « C'est normal qu'il se comporte mal, il s'appelle Basile; tous les Basile que j'ai connus étaient des ptits cons. » Le problème dans toutes ces situations tient dans l'incapacité que les individus ont de manière naturelle à être réfractaires à ce qui ne leur ressemble pas ou ce qu'ils ne connaissent pas car cela transforme leur réalité et implique une perte de sécurité par une perte de contrôle. Et je ne vais pas parler du rapport aux rêves et aux tentatives de justifications de l'individualisme narcissique dans l'espace semi-public et public, car même si je resterais dans le sujet en disant cela, je rallongerais ce texte qui commence déjà à être pas mal long.
Aussi, ainsi, donc et enfin, le problème du burkini n'est pas un problème de société. Les problèmes de société viennent avant tout de normes et ce n'est que l'accoutumance aux normes qui définissent leur acceptation (attention, je ne fais pas références aux principes moraux et de préservation de l'individu et du groupe mais uniquement des normes sociales 'basses', celles qui, comme dit précédemment, n'ont aucun impact sur la notion de liberté de l'autre et ne se distinguent que parce qu'elles s'appliquent au soi et au soi seul). Le problème, ici encore, vient tout simplement d'un acte de réaction primaire dirigé contre une communauté déjà largement stigmatisée en France et profondément rejetée parce que certains ont appris au peuple à avoir peur d'elle. Pourquoi cette idée vient sur le tapis plutôt que de parler des problèmes directement liés au gouvernement ou à la manière dont les dirigeants défoncent les libertés fondamentales de l'individu citoyen (bien au-delà de la simple notion de 'comment je vais me fringuer pour aller à la plage?') ceci est une grande question à laquelle je ne répondrai pas car ce n'est pas à moi de parler de ce qui se passe dans ce domaine.
Par contre (et parce qu'on m'a souvent dit qu'une ouverture en fin de texte ça fait intelligent), la question suivante pourrait se poser : est-ce que l'émergence de ce type d'habit, considéré comme l'expression d'une pensée forte voire limite extrême, ne serait pas, plutôt qu'une manifestation d'un acte d'opposition à la liberté des individus, un acte d'opposition à un état soi-disant égalitaire qui a encore trouvé un moyen de taper sur eux? Parce qu'avant le burkini, avant les attentats de 2015, avant la burka, avant la peur des barbus, avant les tensions entre les peuples et les religions du début du vingt-et-unième siècle, je crois avoir lu et entendu que la France avait été heureuse d'accueillir tous ces immigrants qui avaient aidé à libérer la France et qui étaient heureux d’œuvrer à sa reconstruction et, à ce moment, quand ces gens sont arrivés, il n'était pas question de les renvoyer 'chez eux' ou de les siffler dans la rue pour un contrôle d'identité? Ou alors, si c'est vraiment une réaction sociétaire et actuelle, pourquoi les autres pays se gaussent en lisant les gros titres français? Parce que, dans d'autres pays (pas tous, je le conçois), sans désir d'être extrémiste, l’extrémisme ne passe pas. Pour arrêter l’extrémisme, il ne faut pas balancer des bombes ni tirer sur les communautés les plus sensibles, il faut les accueillir et leur dire qu'ici elles seront chez elles et qu'elles seront acceptées comme elles sont tant qu'elles respectent la liberté de l'autre.
Faites l'expérience suivante : placez un humain ou une humaine dans une pièce et faites dire par un adulte qu'il ou elle aime qu'il/elle ne doit pas prendre de bonbons dans le bol et que s'il ne le fait pas il sera récompensé. Puis, dans une autre pièce, faites exactement la même chose, sauf que cette fois, celui qui donnera l'ordre sera un connard fini qui l'aura torturé pendant vingt ans. Vous verrez, les résultats seront différents.