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Aujourd'hui, je n'ai pas envie d'écrire


Aujourd'hui, je n'ai pas envie d'écrire.


Pourquoi?


Vous le savez très bien.


Paris hier soir, vous pensez bien, mais pas assez.


Il y a bien d'autres choses, et la première de toutes, la plus importante, la plus solennelle, la plus fulgurante, la plus poignante, la plus lourde et la plus aigre, c'est que rien n'a changé depuis hier.


Des bougies? Quelle bonne idée! Mais beaucoup le faisaient déjà avant, d'allumer des bougies, parce que ça fait joli dans l'appartement et en plus ça sent bon. C'est une bonne idée, mais pas assez bonne.


La tristesse et le deuil? Quelle bonne idée! Mais beaucoup l'ont déjà fait avant, l'ont déjà vécu avant. Le deuil est un processus normal dans l'existence, l'action de l'esprit qui accepte que son monde est en train de changer, car une personne n'est plus là. Comme le disait Derrida, lorsque le deuil réussit, c'est lorsque l'on accepte que l'autre était vraiment autre et qu'on l'oublie, "une sorte de tendre rejet, un mouvement de renoncement qui le laisse seul, dehors, là-bas, dans sa mort, loin de nous", et cela nous le faisons tous les jours. Tous les jours nous faisons le deuil de l'autre, car tous les jours les gens meurent.


Mais aujourd'hui c'est spécial, car la mort n'est pas venue, elle a été appelée, pour cent vingt-huit personnes! Cent vingt-huit!


Ce n'est pas spécial.


Cela arrive tous les jours au Moyen Orient.


Tous les jours, des dizaines de personnes meurent dans des attentats, dans des guerres civiles, dans des famines provoquées par ces guerres.


Le 12 Novembre, 43 personnes sont mortes au Liban dans un attentats suicide.


En avons-nous fait une expérience commune? mondiale? Non. "Parce que cela vient de chez eux" pourront dire certains. "Qu'on les renvoie chez eux" disent déjà certains.


Ce n'est pas vrai.


Cela ne vient pas de chez eux.


Cela vient de chez nous.


Cela vient de la race humaine.


Aux États-Unis, il y a eu huit mille vingt-sept morts par arme à feu depuis le premier janvier 2015. Cela fait vingt-cinq morts par jour. Vingt-cinq morts par jour, dans le pays soi-disant le plus démocratique de la planète.

Pour exactement la même raison.


Le problème vient de la race humaine.

Mais ce n'est pas la race humaine le problème.

C'est la manière dont les humains sont éduqués.

C'est la manière que certains ont d'utiliser le présent et le passé.

C'est la manière dont certaines personnes parlent et transforment le monde.

Je parle bien entendu des fous qui endoctrinent ces humains et qui les poussent à agir ainsi.

Je parle également des structures qui permettent à ces gens-là de pouvoir dire ce qu'ils disent, qui leur apportent des preuves, mêmes minimes, pour rallier des humains à leurs causes égoïstes.

Le problème n'est pas ces personnes suicidaires, le problème est ce qui fait que ces personnes peuvent devenir suicidaires et entraîner avant leur mort d'autres dans la mort.

Le problème est la pauvreté, l'absence d'éducation, la faiblesse des esprits face à la folie et le déni de l'autre et de soi.


Le problème est ce qui se trouve en chacun de nous et qui, chez eux, s'est transformé en colère et leur a fait oublier ce qu'ils sont et ce que les autres sont, pour n'insister que sur un mot: "différent".


Et le problème est que ce mot se répand de 'notre' côté aussi. Parce qu'ils viennent d'un autre pays, parce qu'ils ne sont pas comme nous, on s'oppose à leur fuite de ce que nous condamnons, on s'oppose à leur tentative de vouloir avoir une vie comme nous la voulons pour nous, parce qu'ils sont différents.


Ce qui se passe chez eux est identique à ce qui se passe chez nous. Mais cela ne nous concerne pas. Cela est différent.


Ce n'est pas différent.


C'est exactement la même chose.


Ce sont exactement les mêmes personnes qui sont mortes hier, avant-hier et qui mourront peut-être demain. Et ces personnes sont exactement les mêmes que celles qui ont tué, qui tuent et qui tueront.


Ce sont tous des humains...


qui avant ont été des enfants qui voulaient savoir et qui voulaient jouer.

Tout comme ceux qui cherchent asile et ceux qui s'offensent de ce qui s'est produit hier, et avant-hier, et qui se produira demain.

Tout comme vous.


C'est pour cela que je n'ai pas envie d'écrire aujourd’hui.


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