top of page

L'histoire de Louis exista longtemps dans mon esprit avant d'être mise par écrit. Son origine provient d'une question qui, bien que fondamentalement perverse, ne cesse de résonner dans ma tête comme un démon translucide dont les formes se confondraient avec les mots que voici :

"Assis sur le pont qui traverse le présent tout comme le narrateur de cette vidéo que je viens de regarder, je me pose ces questions qui martèlent mon temps : "Pourquoi avons-nous abandonné face à la venue de l'apocalypse et pourquoi croyons-nous que nous y survivrons? Pourquoi, face aux catastrophes sans fin qui s'alignent et se dessinent sur ou au-delà de l'horizon, voyons-nous encore, tels des spectres issus du futur impossible, des personnes qui, non contentes de ne pas voir ce qui vient, semblent vouloir guider le reste du monde sur le chemin de ces monstres animés?"

La peur qui fut mienne lorsque je compris ce que cet univers allait être trouve dans les images que véhicule le présent étrange écho, une surprenante coïncidence, une corniche ou se jucher pour me saisir au pied et m'attirer dans le gouffre qu'elle a creusé. Je sens l'odeur terne et poussiéreuse des vents chargés de sable et l'eau douceâtre que l'oxygène a privé de sa clarté lorsqu'il en a été arraché. Je sens les effluves des bois absents et la déliquescence des plaines bientôt arides dans le plaisir que mes semblables recherchent dans les étales et les boutiques. Je vois des personnes courir et se cacher, des mains se poser sur des bouches affamées et des langues lourdes du manque d'humidité dans ces tonnes d'acier qui s'élèvent et qui s'étirent dans cette course à la distance immédiate qui excite ces grands que la petitesse révulse. Dans ces courses à la puissance sociale et matérielles je vois l'indifférence aux folies que l'humain pourrait bientôt avoir à faire pour assurer la survie de son brin d'existence.

Et je goûte, chaque seconde, l'amertume suffocante de cette prévision loin d'être idéale, des milliers, des millions d'êtres qui ne reconnaîtront jamais l'idée qu'ils ne peuvent formuler dans leur esprit, que la possibilité est bien plus dangereuse que l'irrévocable, que le simple fait du changement probable implique bien plus qu'un état présupposé, qu'il laisse entrevoir non seulement l'état mais également la culpabilité et, à cela, l'horreur innommable de l'irréversibilité et de l'impuissance, de se dire, de s'entendre dire ou de subir en soi, venu des voix qui lacèrent la conscience de leurs stridentes rengaines, que cela aurait non seulement dû, mais aurait également pu être évité.

Comment réagir alors? Comment contenir cette fois naissante de ces faits devenus vrais par le déni de quelques-uns? Comment ne pas succomber à la folie mortifier de sa faiblesse exposée, que tout ce qui fait l'humain, son intelligence, sa perception et sa projection ont été battu en brèche par cette même espèce dont il fait partie par cela même qui s'oppose en essence à ce qui le fait lui? Comment ne pas séparer l'humain qu'il est de "l'humain" qu'ils sont et vouloir leur extinction ou la sienne car toute cohabitation serait en elle-même impossible pour être supportée?

Et si, par chance, si tant est que ce mot ait une quelconque vérité en lui, l'humanité parvenait à se protéger de ces ravages annoncés, comment supporter l'idée, comment tolérer le fait que ces personnes en rejet ne pointent le réel advenu comme preuve de leur propres propos? Comment ne pas succomber à la folie de ces prédicateurs négationnistes qui utilisent et utiliseront chaque veine possible sur lesquelles accrocher leur incompréhension comme support pour leur propre image de réalité, aussi biaisée soit-elle?

Comment ne pas se laisser emporter par la colère quand le combustible est si accessible?"

Louis, ce pauvre garçon dont l'histoire est si courte, aurait pu écrire ces mots. Dans sa détresse issue du monde qu'il contient il voudrait pouvoir faire sortir tout ce qui le dévore, mais il sait que cela est impossible car ce qui le fait souffrir n'est nulle part en lui. Nulle part. Alors, à la place, il décide d'agir. Agir comme personne ne devrait le faire. "Ils me maudiront" sont ses premiers mots. Ils furent sans doute ses derniers également mais cela personne ne le saura.

Louis est aussi le personnage le plus seul qui soit sorti de mes mains. Essayez de vous imaginer sa vie et vous comprendrez pourquoi je le pense. Il est tout ce qu'il ne veut pas être. Il voulait, il espérait être l'exacte négation de ce qu'il fut. N'est-ce pas cela, la solitude ultime, quand le soi est l'étranger, quand le soi est le monstre?

L'Histoire de Louis

bottom of page